San Fernando Valley: impressions par Sels

 

Nouvelle lecture de type essai dans le cadre de la Masse critique de Babélio, que je remercie ainsi que les éditions de la Chambre au Loup.

« Il y a une mère, ses deux filles, dont le père est éloigné; puis arrive un homme.
Je saisis cette histoire universelle, où l’homme est un personnage secondaire.Il arrive dans un deuxième temps.
Car, on nous récite « Domination masculine,domination masculine », cela vous a un goût de tarte à la crème.p.7 (1ères lignes/préface 2 nde édition) »

J’avoue à la réception, pas d’a priori..je n’avais plus en tête la 4ème..et je me suis dit en avançant..ça tombe bien..on est pile dans le moment, où les mouvements féministes montent en puissance, comme un revers de fortune, et cela m’a semblé plus piquant, vif, prometteur.

Réceptionné pile au moment de la cérémonie des césars 2020, épique et sulfureux presque tant il remettait sur scène les relents passés, voilà que je reçois cet essai, plaidoyer..en faveur de Roman POLANSKI, dont j’ ai livré les première lignes puisque significatives de la préface de la 2nde édition.

Cet essai construit à la manière d’impressions, de courts passages ou réflexions, ne manquent pas d’interroger et de déranger aussi quelque part, il pointe des nuances, propose différentes lectures de l’histoire, interprétations à la lueur d’une perspective psychanalytique, l’influence freudienne et lacanienne berçant Dominique Sels.

Entrée en matière avec l’idée de fille substitut, idée déjà exposée dans un article « Le désir, la jeune fille et la mère paru dans Libération le 06/10/2009, quelques jours après l’arrestation de Polanski p.9. »

ce qui frappait ma perception, c’était un schéma d’histoire, qui me semblait un invariant universel(..) l’histoire de la fille substitut »

Théorie avançant que « dans l’histoire de la fille substitut, l’homme et la jeune fille sont instruments; c’est le désir sexuel de la mère qui commande l’aventure »

Théorie avancée qui responsabilise/donne à partager les responsabilités/ davantage  la mère, la figure maternelle /manipulatrice,  presque, la mère maquerelle qui offre et conditionne par son emprise sa progéniture, aux desseins plus ou moins conscients, et qui autorise en un sens Dominique Sels à questionner et à plaider en faveur de Polanski.

« Quelque chose déraille dans le choeur ultérieur des féministes p.12 (…) c’est encombrer de faux cas la cause des femmes, brouiller par duplicité. On voit des femmes ministres, journalistes ou comédiennes vedettes, dont il se dit partout qu’elles ont accordé leurs faveurs, et que l’homme de pouvoir les a rétribués par cette ascension. Pour quelle raison les féministes ne font-elles pas état dans leurs discours de ces choses-là? Quand les étreintes consenties et transactionnelles ne sont pas aussi fructueuses que prévu, certaines femmes les camouflent en agression ».

Sels endosse une posture peu confortable, elle dit bien.. chacun se fera son opinion.

Elle défend Polanski et reprend des tranches de vie, éléments d’autobiographie de Polanski qui nourrissent ces réflexions,

« J’écris, à la lumière trouble de cette histoire scabreuse et complexe, pour que les filles cessent de couvrir leurs mères archaiques, car certaines sont des montres au masque de vertu qui ne craignent rien tant que leurs filles ne les dépassent et ne deviennent quelqu’un »p.58., 

en contrebalançant le lynchage de la gente masculine par la tyrannie et l’emprise maternelle.

Elle évoque les « decorum » et effets pervers , jeux d’attractions, hyper sexualisation des jeunes filles, commandes des photographes, banalisation des scènes quotidiennes qui se jouent dans les milieux du cinéma notamment ou artistiques, ainsi que des éléments propres à Polanski, héritage de son histoire familiale.

P.67 Deuxième partie Autres impressions à la lecture du livre de Roman Polanski:  « impression picaresque », » impression de légitimité », » impression de miroir », « que la naivete est une grande richesse », « qu’il est hors d’atteinte », « de rebond »  » que cette lecture vous change »etc, sont autant de déclinaisons qu’elle aborde ..car pour Sels « Il est temps de dénoncer chez de nombreuses femmes, qu’elles soient conservatrices ou prétendument féministes, une revendication à l’irresponsablité. Ce n’est pas ainsi qu’elles grandiront leur cause; elles pensent bassement y améliorer leurs affaires, ce n’est pas joué et pour leurs destins, elles se sabordent p.113 »

Personnellement, je me garderai bien de juger ce que je ne maitrise pas, en outre ma méconnaissance de Polanski, je trouve que la démarche est courageuse et assez inédite. Peu relèveraient le défi, il me semble que l’on peut épouser la cause féministe mais qu’il faut se garder de tomber dans des schémas de pensées écourtées, biaisées, de préconçus. Je n’avais pas envisagé cette affaire sous cet angle et pourtant, ma formation universitaire aurait pu m’y inciter, en cela je la remercie puisqu’elle aura ouvert quelques perspectives. La lecture et le style sont fluides, clairs et sont tombés à point nommé, d’autant que la question m’intéresse à divers égards.

M. G