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De cape et d’épée….de cape et de crocs?

Une jolie série (12 tomes ), scénarisée par Ayroles, dessinée par Masbou, qui dénote dans l’univers de la B.D,tant il regorge de références littéraires et historiques.

Alliant les codes du roman de cape et d’épée, il célèbre avec faste la commedia dell’arte et le théâtre aussi bien à travers les répliques que les personnages issus d’un bestiaire plus que révélateur!

En effet, la première page, tome I, 6ème vignette, nous installe, tout privilégié, au pied de la scène

« Scapin, fais-moi connaître un peu cet Argante qui est le père d’Octave »

ou p.23, cette légendaire scène du balcon: (vive Shakespeare!! ) Damoiselle haute perchée

« Sainte Marie Mère de Dieu! On se tue sous mon balcon » Réplique de Don Lope, loup,« ça va don Armando, vous vous en sortez? »

qui répond « Ils sont encore un peu flous, mais je dégrise, je dégrise! » et qui p 24, après avoir aperçu la donzelle  joue le grand séducteur (changement de police/typologie d’écriture d’ailleurs)

« Ce duel,ô divine à vous je le dédie.Votre grâce, pourtant, me laissant interdit » « Offre mon coeur ravi au fatal coup d’estoc » « Mai je serai vainqueur, de l’épée ou du…? » suit l’hésitant »estoc…estoc…vite, monsieur, une rime en oc » « j’ai trouvé! Il s’agit de croc! »

Don Lope, s’appelle Villalobos y Sangrin, clin d’oeil malicieux à Ysengrin, compagnon loup de Renart dans le Roman de Renart .Don Armando lui de Maupertuis rappelle le refuge du goupil dans ledit roman.Les références à Molière ou à la Fontaine sont foison, sans oublier Cyrano et bien d’autres qu’il vous faudra découvrir.

Pour davantage de ressources :

http://www.decape.askell.com/

 

 

 

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Connaissance de l’Est, Paul Claudel.

Il était temps de m’y replonger le temps d’une petite halte : direction la Chine, allons façon Claudel « faire connaissance », découvrir les paysages avec une certaine sensualité , tour à tour sous forme de descriptions ou de petits récits qui doivent faire sens et s’offrent au regard. La typologie est éclairante à ce propos, les blancs et longueurs contrôlés tout en gardant leur impétuosité…Pour compléter et voyagerChine, invitation au voya

 

Puisqu’il faut faire une sélection:

 

LE RIZ

C’est la dent que nous mettons à la terre même avec le fer que nous y plantons, et déjà notre pain y mange à la façon dont nous allons le manger. Le soleil chez nous dans le froid Nord, qu’il mette la main à la pâte ; c’est lui qui mûrit notre champ, comme c’est le feu tout à nu qui cuit notre galette et qui rôtit notre viande. Nous ouvrons d’un soc fort dans la terre solide la raie où naît la croûte que nous coupons de notre couteau et que nous broyons entre nos mâchoires.

Mais ici le soleil ne sert pas seulement à chauffer le ciel domestique comme un four plein de sa braise : il faut des précautions avec lui. Dès que l’an commence, voici l’eau, voici les menstrues de la terre vierge. Ces vastes campagnes sans pente, mal séparées de la mer qu’elles continuent et que la pluie imbibe sans s’écouler, se réfugient, dès qu’elles ont conçu, sous la nappe durante qu’elles fixent en mille cadres.

Et le travail du village est d’enrichir de maints baquets la sauce : à quatre pattes, dedans, l’agriculteur la brasse et la délaie de ses mains. L’homme jaune ne mord pas dans le pain ; il happe des lèvres, il engloutit sans le façonner dans sa bouche un aliment semi-liquide. Ainsi le riz vient, comme on le cuit, à la vapeur. Et l’attention de son peuple est de lui fournir toute l’eau dont il a besoin, de suffire à l’ardeur soutenue du fourneau céleste. Aussi, quand le flot monte les noriahs partout chantent comme des cigales. Et l’on n’a point recours au buffle ; eux-mêmes, côte à côte cramponnés à la même barre et foulant comme d’un même genou l’ailette rouge, l’homme et la femme veillent à la cuisine de leur champ, comme la ménagère au repas qui fume. Et l’Annamite puise l’eau avec une espèce de cuiller ; dans sa soutane noire avec sa petite tête de tortue, aussi jaune que la moutarde, il est le triste sacristain de la fange ; que de révérences et de génuflexions tandis que d’un seau attaché à deux cordes le couple des nhaqués, va chercher dans tous les creux le jus de crachin pour en oindre la terre bonne à manger !

LE CONTEMPLATEUR

« Ai-je jamais habité ailleurs que ce gouffre rond creusé au cœur de la pierre ? Un corbeau, sans doute, à trois heures, ne manquera pas de m’apporter le pain qui m’est nécessaire, à moins que le bruit perpétuel de l’eau qui se précipite ne me repaisse assez. Car là-haut, à cent pieds, comme si elle jaillissait de ce ciel radieux lui-même avec violence, entre les bambous qui le fourrent, franchissant le bord inopiné, le torrent s’engloutit et d’une colonne verticale, moitié obscure et moitié lumineuse, frappe, assénant un coup, le parquet de la caverne qui tonne. Nul œil humain ne saurait me découvrir où je suis ; dans ces ombres que midi seul dissipe, la grève de ce petit lac qu’agite le bond éternel de la cascade est ma résidence. Là-haut, à cet échancrement qu’elle dépasse d’un flot intarissable, cette goulée d’eau rayonnante et de lait est tout cela qui, par un chemin direct, m’arrive du ciel munificent. Le ruisseau fuit par ce détour, et parfois, avec les cris des oiseaux dans la forêt, j’entends, parmi la voix de ce jaillissement où j’assiste, derrière moi le bruit volubile et perdu des eaux qui descendent vers la terre. »

C’est plus fort que moi je ne peux m’empêcher de faire un rapprochement avec « L’Isolement »,dans Méditations poétiques de Lamartine Alphonse

L’isolement

Souvent sur la montagne, à l’ombre du vieux chêne,
Au coucher du soleil, tristement je m’assieds ;
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.
Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;
Il serpente, et s’enfonce en un lointain obscur ;
Là le lac immobile étend ses eaux dormantes
Où l’étoile du soir se lève dans l’azur.
Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,
Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;
Et le char vaporeux de la reine des ombres
Monte, et blanchit déjà les bords de l’horizon.
Cependant, s’élançant de la flèche gothique,
Un son religieux se répand dans les airs :
Le voyageur s’arrête, et la cloche rustique
Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.
Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente
N’éprouve devant eux ni charme ni transports ;
Je contemple la terre ainsi qu’une ombre errante
Le soleil des vivants n’échauffe plus les morts.
De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l’aquilon, de l’aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l’immense étendue,
Et je dis :  » Nulle part le bonheur ne m’attend. « 
Que me font ces vallons, ces palais, ces chaumières,
Vains objets dont pour moi le charme est envolé ?
Fleuves, rochers, forêts, solitudes si chères,
Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé !
Que le tour du soleil ou commence ou s’achève,
D’un œil indifférent je le suis dans son cours ;
En un ciel sombre ou pur qu’il se couche ou se lève,
Qu’importe le soleil ? je n’attends rien des jours.
Quand je pourrais le suivre en sa vaste carrière,
Mes yeux verraient partout le vide et les déserts :
Je ne désire rien de tout ce qu’il éclaire;
Je ne demande rien à l’immense univers.
Mais peut-être au-delà des bornes de sa sphère,
Lieux où le vrai soleil éclaire d’autres cieux,
Si je pouvais laisser ma dépouille à la terre,
Ce que j’ai tant rêvé paraîtrait à mes yeux !
Là, je m’enivrerais à la source où j’aspire ;
Là, je retrouverais et l’espoir et l’amour,
Et ce bien idéal que toute âme désire,
Et qui n’a pas de nom au terrestre séjour !
Que ne puis-je, porté sur le char de l’Aurore,
Vague objet de mes vœux, m’élancer jusqu’à toi !
Sur la terre d’exil pourquoi resté-je encore ?
Il n’est rien de commun entre la terre et moi.

Quand la feuille des bois tombe dans la prairie,

Le vent du soir s’élève et l’arrache aux vallons ;

Et moi, je suis semblable à la feuille flétrie :

Emportez-moi comme elle, orageux aquilons !

et la toile du romantique allemand Caspar David Friedrich :

Der Wanderer über dem Nebelmeer: Le Voyageurcontemplant une mer de nuages/L’homme contemplant une mer de brume

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Autre thème, retour à Claudel:

« TRISTESSE DE L’EAU

Il est une conception dans la joie, je le veux, il est une vision dans le rire. Mais ce mélange de béatitude et d’amertume que comporte l’acte de la création, pour que tu le comprennes, ami, à cette heure où s’ouvre une sombre saison, je t’expliquerai la tristesse de l’eau.

Du ciel choit ou de la paupière déborde une larme identique.

Ne pense point de ta mélancolie accuser la nuée, ni ce voile de l’averse obscure. Ferme les yeux, écoute ! la pluie tombe.

Ni la monotonie de ce bruit assidu ne suffit à l’explication.

C’est l’ennui d’un deuil qui porte en lui-même sa cause, c’est l’embesognement de l’amour, c’est la peine dans le travail. Les cieux pleurent sur la terre qu’ils fécondent. Et ce n’est point surtout l’automne et la chute future du fruit dont elles nourrissent la graine qui tire ces larmes de la nue hivernale. La douleur est l’été et dans la fleur de la vie l’épanouissement de la mort.

Au moment que s’achève cette heure qui précède Midi, comme je descends dans ce vallon qu’emplit la rumeur de fontaines diverses, je m’arrête ravi par le chagrin. Que ces eaux sont copieuses ! et si les larmes comme le sang ont en nous une source perpétuelle, l’oreille à ce chœur liquide de voix abondantes ou grêles, qu’il est rafraîchissant d’y assortir toutes les nuances de sa peine ! Il n’est passion qui ne puisse vous emprunter ses larmes, fontaines ! et bien qu’à la mienne suffise l’éclat de cette goutte unique qui de très haut dans la vasque s’abat sur l’image de la lune, je n’aurai pas en vain pour maints après-midi appris à connaître ta retraite, val chagrin.

Me voici dans la plaine. Au seuil de cette cabane où, dans l’obscurité intérieure, luit le cierge allumé pour quelque fête rustique, un homme assis tient dans sa main une cymbale poussiéreuse. Il pleut immensément ; et j’entends seul, au milieu de la solitude mouillée, un cri d’oie. »

 

Le dernier, loin d’être anodin de cette « connaissance » ou « reconnaissance »:

« DISSOLUTION

Et je suis de nouveau reporté sur la mer indifférente et liquide. Quand je serai mort, on ne me fera plus souffrir. Quand je serai enterré entre mon père et ma mère, on ne me fera plus souffrir. On ne se rira plus de ce cœur trop aimant. Dans l’intérieur de la terre se dissoudra le sacrement de mon corps, mais mon âme, pareille au cri le plus perçant, reposera dans le sein d’Abraham. Maintenant tout est dissous, et d’un œil appesanti je cherche en vain autour de moi et le pays habituel à la route ferme sous mon pas et ce visage cruel. Le ciel n’est plus que de la brume et l’espace de l’eau. Tu le vois, tout est dissous et je chercherais en vain autour de moi trait ou forme. Rien, pour horizon, que la cessation de la couleur la plus foncée. La matière de tout est rassemblée en une seule eau, pareille à celle de ces larmes que je sens qui coulent sur ma joue. Sa voix, pareille à celle du sommeil quand il souffle de ce qu’il y a de plus sourd à l’espoir en nous. J’aurais beau chercher, je ne trouve plus rien hors de moi, ni ce pays qui fut mon séjour, ni ce visage beaucoup aimé. »

Celui-là me fait penser à Eluard dans Facile,

« Tu te lèves l’eau se déplie

Tu te lèves l’eau se déplie
Tu te couches l’eau s’épanouit

Tu es l’eau détournée de ses abîmes
Tu es la terre qui prend racine
Et sur laquelle tout s’établit

Tu fais des bulles de silence dans le désert des bruits
Tu chantes des hymnes nocturnes sur les cordes de l’arc-en-ciel
Tu es partout tu abolis toutes les routes

Tu sacrifies le temps
À l’éternelle jeunesse de la flamme exacte
Qui voile la nature en la reproduisant

Femme tu mets au monde un corps toujours pareil
Le tien

Tu es la ressemblance. »

Paul ELUARD

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