Bleu d'octobre (Un)Je remercie Babélio et son opération Masse Critique, ainsi que les éditions Apogée pour cette sélection.

4 ème :

« Ce recueil rassemble des notes prises entre 2001 et 2012. Il s’inscrit dans la continuité de Cendres vives (1980-1988), du Carré du ciel (1988-1996) puis de La Table de veille (1996-2001). Tenir ces carnets, à travers les années et les saisons de la vie, avec autant d’assiduité que de doutes, relève d’un désir obstiné de « veiller » sur la vie pour mieux l’étreindre, à défaut de la comprendre.  »

Edition Apogée, biographie

Première rencontre pour moi avec Françoise Ascal par le biais de ce recueil.

Concernant la forme, et c’est plutôt rare que je m’exprime, si la couverture cartonnée est agréable au toucher, j’aurai aimé un format plus en adéquation avec le fond, de type carnet, ce qui aurait renforcé le rapport intime aux prises de notes. Et je m’étonnes de ce choix de couleur, sobre, mais intense..il m’intrigue (dû à l’éditeur même, à la thématique?)_________(étant moi-même adepte de petit carnet, pas nécessairement du Moleskine, même si c’est la référence…).

La prise de notes a été épurée, sélectionnée, elle s’apparente quelque peu au journal intime, ce sont des notes de lectures,

impressions du moment,

fugacités,

pensées sporadiques alignées, dont la lecture de prime abord n’est pas facilitée, par l’entreprise même, et qui paradoxalement peut apparaître pour certains lecteurs, plus confortable,

épisodique,

du coq à l’âne.

La prise de note est une extraction singulière, hors contexte, qui fait sens à son auteur et pas nécessairement à son lecteur qui à mon avis, n’accède qu’en partie, à son sens véritable, au visible. L’entreprise peut permettre toutefois une compréhension de l’auteur et des techniques sous- jacentes à l’écriture. »Ratissage de vieux carnets.(…) B.me rappelle que ratisser est une activité partagée par les moines et les jardiniers. »p43

Puis des thèmes communs apparaissent, à l’aune d’une seconde lecture, possible alors, de tisser des liens, éléments de biographie,

les onze ans voient les saisons défiler au gré des champs lexicaux, la nature, les paysages intérieurs se reflètent au travers la vue du « jardin, sous le cognassier.Chaleur et parfum. B. a suspendu un fushia dans les branches. Les ramures retombent avec grâce. Ni contemplation, ni méditation.Juste se laisser traverser. »p.11 « presque l’automne déjà, dans l’ambiance humide, la fraîcheur hâtive, l’abondance de fruits »p.19  qui contrastent avec les lectures plus graves « Lecture passionnante des journaux de Bauchau.Vision émouvante de cet homme de 88 ans, faisant chaque jour sa gymnastique matinale en répétant les mots de Maître Eckhart : « C’est aujourd’hui la fête, la plus grande fête, la fête à l’existence »p.20

Beaucoup de références aux auteurs et de citations extraites, »Louis-René Des Forêts, Michel Onfray, François Cheng, Maurice Bellet, des philosophes et là je me sens plus à l’aise avec Spinoza, Plotin, Nietzsche,Montaigne, Pindare, …

Il s’agit de p.106, « Revenir aux fondamentaux. Tenir le fil, en dépit des inévitables occasions de déstabilisation___contrariétés, colères,tristesses. Penser au souffle, qui ne peut décevoir, qui fait son travail de vie sans question. Le cultiver en conscience, le choyer, le protéger au mieux. »

Aperçu et petite sélection : le rapport à l’écriture

« Où me mène ce texte? A mon insu, la Chapelle de Ronchamp tend à s’amenuiser au profit d’autre chose, plus lié au monde d’aujourd’hui, à mes inquiétudes de société. Ce faisant, j’éprouve une joie à m’éloigner de ce journal. Sentiment de sortir de mon propre utérus.

« Trouver la vérité par l’écriture. La vérité m’intéresse plus que tout, plus que l’écriture.p.20

« Tout dans ma vie est sous le signe de l’arraché. C’est à l’arraché que je parviens à extraire les mots et à me garder vivante. »p.21 et des échos, répétitions qui amorcent de l’importance de cette idée  » Ecrire à partie liée avec l’arrachement. Mais qu’ai-je à arracher ? Rien ne s’impose en toute nécessité. Mon vouloir est cérébral ».p.42 « Levée tôt, mais l’écriture, où est-elle? « Je » fais écran. »

« Nuit d’agitation, en quête des mots manquants. On n’écrit jamais que pour trouver les mots manquants. »p.45

« Mon rapport à l’écriture : encore et toujours »le métier de vivre ». Pas le souci de construire une oeuvre littéraire, mais l’ambition de repousser, si peu que ce soit, une part de ténèbres____en soi comme à l’extérieur »p.45..

Toujours ces préoccupations…et un éclairage,« bleu d’octobre : mon modèle. Voudrais écrire en atteignant cette transparence.La transparence n’est pas la pauvreté. Ecrire transparent donc lisible est souvent compris comme écrire banal, simpliste, sans profondeur.Alors qu’il s’agit d’accéder à une qualité de perception que le dépouillement permet. Où commence-t-il? Où s’arrête-t-il? La simplicité d’une écriture ne va pas de soi. Elle est fruit d’une approche patiente.Une ascèse presque. »p.48

« Personne ne m’a condamné à dire je.Je peux écrire d’un autre point de vue et avec les mêmes exigences.C’est le b.a.-ba de tout écrivain. Alors pourquoi est-ce impossible sous peine de culpabilité, de sentiment d’imposture? »p.64

« Qu’ai-je encore à arracher? Arrachement heureux affirme Marcel Cohen.Pour lui, l’arrachement, au trou est une remontée. Le malheur, c’est l’absence de mots. »

En 2012, de la poétique « Grand ciel bleu lavé par le vent. Lumière du Sud, du moins d’un sud tel que je le rêvais/imaginais. Toujours bien dans cette maison. C’est une expérience frappante. J’ai simplement changé de quelque 50 mètres et changé de niveau. Les deux maisons se font face, elles sont presque jumelles. Pourtant l’une e donnait le sentiment de me vider, l’autre me donne asile et bienfaisance. »p108.

Un recueil donc où l’on peut puiser quelques ondes, s’approprier quelques expressions et/ou se reconnaître, encore faut-il accepter l’intrusion dans cette intimité, ce qui ne va, je pense, pas de soi…sans doute parce que je méconnaissais l’auteur.

M.G