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Lectures indélébiles Ecritures vagabondes

Journal de bord des lectures, critiques et moments d'écritures

Mois

novembre 2021

Pierre LEMAITRE, Le serpent majuscule.

Pierre Lemaitre,

Goncourt en 2013 avec Au revoir Là-Haut,

a choisi d’éditer ce manuscrit,

son premier roman dans la veine polar/ Roman noir,

dans lequel il va franchement exceller.

« ce vieil homme au teint pâle qui attend sans impatience qu’un autre serpent, majuscule lui aussi, lui passe autour du coup le noeud de son corps froid et définitif. p.140″

Il explique son projet dans l’avant-propos au lecteur.

Sinueux, à/un sang froid,

ce serpent…

Le serpent majuscule par Lemaitre

J’avoue n’avoir jamais été déçue par ses titres jusqu’à présent.

Il arrive d’être plus exigeante quand on a lu plusieurs titres d’un auteur qu’on a apprécié, j’avais donc une petite appréhension qui a été très vite balayée.

Je me suis bien marrée à suivre Mathilde, tueuse à gages émérite et infatigable, j’avais en tête Besson et Léon à la lecture qui ne me lâchait pas.

Subversif et efficace, comme Mathilde, pour qui tuer est un vrai jeu d’enfants

« Avec Mathilde , jamais une balle plus haute que l’autre, du travail propre et sans bavures. »,

reste un souci, et pas le moindre.

Ce n’est pas tant dans la réalisation des missions que ça pêche, ni dans l’exécution, parce que Mathilde est dans son domaine une experte,

 » faut scotcher le tout. Pour ça, à nouveau le rouler dans un sens, passer le scotch de l’autre côté, rouler le type dans le sens inverse et faire ça combien de fois, et ce lit placé là, bon, dans une chambre, un lit, c’est ce qu’il y a de plus logique, mais quand on veut rouler un tueur dans un tapis, c’est encombrant.c’est le reste. »

Je n’en dirai pas plus au risque de dévoiler l’intrigue.

« L’effet positif de la colère, c’est que ça vous éloigne des morosités quotidiennes, c’est comme une parenthèse de vie dans l’océan des emmerdements. »

Heureusement,

« C’est un grand dalmatien d’un an au regard bête, mais à l’esprit tendre. De temps en temps, il ouvre un œil, regarde la lourde nuque de sa maîtresse, pousse un soupir. Il n’est jamais totalement en confiance avec elle, elle a des sautes d’humeur, surtout ces derniers temps. Au début, tout allait bien, mais maintenant…« 

c’est un serpent qui avance, Majuscule.

Un roman bercé d’humour noir que j’ai apprécié et que je relirai même volontiers c’est dire, et je l’imagine très bien version long métrage.

M.G

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Les victorieuses, Laetitia COLOMBANI.

Des voix victorieuses,

non plus trois comme avec la tresse,

mais deux voix à entendre,

Solène brillante avocate, qui au sortir d’une audience voit son client se jeter dans le vide à l’annonce du verdict et qui fait un burn out

et Blanche, active de l’Armée du Salut un siècle plus tôt.

L’idée de combats acharnés à mener,

« Les obstacles ne sont que des cailloux sur la route, lui dit-il. Le doute fait partie du chemin. Le sentier n’est pas uniforme, il y a des passages agréables, des tournants raboteux et pleins d’épines, du sable, des rochers, avant les prairies couvertes de fleurs… Il faut continuer d’avancer quoi qu’il en coûte. »

de nos jours, Solène pour se reconstruire, trouver du sens à son existence , sur le conseil de son psy, elle postule pour un emploi d’écrivain public au Palais de la femme,

« C’est sans doute la tâche la plus difficile qui lui ait été confiée. Elle n’avait pas saisi jusqu’alors le sens profond de sa mission : écrivain public. Elle le comprend seulement maintenant. Prêter sa plume, prêter sa main, prêter ses mots à ceux qui en ont besoin, tel un passeur qui transmet sans juger »

foyer d’hébergement pour les femmes désoeuvrées, un gouffre s’ouvre pour Solène, elle qui vient d’un milieu aisé, rencontre pour la première fois la misère à ses pieds.

« Du temps, voilà ce que demandent les associations. sans doute ce qu’il y a de plus difficile à donner dans une société où chaque seconde est comptée. Offrir son temps, c’est s’engager vraiment. »

Rencontres et portraits de femmes de caractère qui ont connu des trajectoires malheureuses : Cynthia qui porte la colère en son sein , les tatas africaines, leur salon de thé et la zumba pour sourire et cajoler, la Renée qui a connu « l’enfer (qui) a duré quinze ans p.175. »et parallèlement Blanche Peyron

 » Cette fin de XIXe siècle offre peu de perspectives aux filles issues de la bourgeoisie. Instruites dans les couvents, elles sont mariées à des hommes qu’elle n’ont pas choisis. – Nous les élevons comme des saintes, puis nous les livrons comme des pouliches-, écrit George Sand, qui refuse haut et fort l’hymen qu’on veut lui imposer. Il est très mal vu pour une femme de travailler. Seules les veuves et les célibataires sont réduites à cette extrémité. Peu d’emplois leur sont accessibles, hormis la domesticité, la confection, le spectacle et la prostitution. (p. 35) »

et Albin, l’engagement de deux vies pour les autres,

les nécessiteux, les infortunés de la rue qu’il faut aider, quitte à déplacer des montagnes.

« Blanche le voit déjà, son Palais de la Femme : un refuge pour toutes celles que la vie a malmenées, que la société a mises de côté. Une citadelle, où chacune aura son logis bien à elle, une chambre chauffée, aérée, confortablement meublée. Une chartreuse de paix.

Un Palais pour panser ses blessures et se relever. (p. 179) »

Un très bel hommage rendu sans aucun doute, une découverte pour moi des époux Peyron, de leur implication et leur courage avec l’Armée du Salut.

L’écriture de Colombani reste lumineuse, sonne assez juste sans tomber dans le féminisme à outrance, ce que j’ai apprécié.

cf : wikipédia Palais de la femme 1920

M.G

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Sale Gosse, Mathieu PALAIN.

« Leur faire entendre qu’en rentrant dans le rang ils éviteraient la taule ou le cimetière, c’était comme crier dans le désert.

À quatorze ans, la mort, ils n’y croyaient pas. »

« Le foyer, c’est le cinéma, et le milieu ouvert, la photographie. Un film, tu le vis à je ne sais pas combien d’images par seconde, et l’histoire t’embarque. La photo, elle reste figée, mais à force de la regarder, tu perçois les détails, le second plan. Le milieu ouvert, c’est ça : tu as l’impression d’avoir perdu le contact, alors qu’en fait tu as pris du recul pour comprendre ce que tu regardes.« 

Mathieu Palain, un père éducateur social et l’envie pour ce journaliste de voir ça de plus près, alors quoi de mieux qu’une immersion à la PJJ d’Auxerre pendant six mois pour tâter le terrain, se faire son idée, se confronter aux destins de ces jeunes. Un style hyper réaliste, frappant de sincérité qui essaie de nous livrer cette expérience brute.

P22
« Le foyer, c’est le cinéma, et le milieu ouvert, la photographie. Un film, tu le vis à je ne sais pas combien d’images par seconde, et l’histoire t’embarque. La photo, elle reste figée, mais à force de la regarder, tu perçois les détails, le second plan. Le milieu ouvert, c’est ça : tu as l’impression d’avoir perdu le contact, alors qu’en fait tu as pris du recul pour comprendre ce que tu regardes »

Un rythme saccadé, des mômes abîmés dont on envie peu la situation, une certaine impuissance..teinté d’espoir fracassé avec Wilfried, seize ans, placé en foyer, une mère absente et toxico, on le balade d’instances en instances, Wilfried essaie de se construire, pas toujours les bonnes associations, et la vie à la cité n’arrange rien, faut jouer les caids. Pourtant, il pourrait y avoir une issue plus favorable, avec cette sélection et ce niveau de foot, il pourrait faire carrière. Non, ça c’était avant d’exploser la mâchoire de l’autre joueur..c’est fini maintenant..et puis vla que sa daronne, cette inconnue rapplique et réclame ses droits, rien de tel pour enchaîner les conneries, c’est un sale gosse ! Comment avancer quand on te dit que faut frapper pour survivre? Comment faire pour exister sans exploser ? Et Wilfried est un exemple parmi d’autres. Un flow en arrière-fond, des images évocatrices qui participent à la réussite de ce petit livre, dont je verrai bien une adaptation.

M.G

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Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, Jonas Jonasson.

Je ne suis pas de ceux là,

j’aime que l’on me souhaite mon anniversaire,

c’est l’occasion de revoir les copains et de partager un bon moment,

presque je serai même un peu vexée qu’on l’oublies, j’avoue, après deux ans d’anniversaire confinés,

j’attends avec impatience le prochain,

non pas parce qu’il marquera mon entrée dans la quarantaine, que je vis plutôt bien,

non simplement parce que j’espère retrouver bien plus de monde que les deux dernières fois…trop pandémiques à mon goût.

Allan Karlsson lui pour son centenaire n’a pas envie de cérémonial, il recherche un vent frais de liberté, car quoi de plus ennuyant que de voir tous les rabats joies qui l’entourent, aussi quoi de plus naturel que de s’évader, de fuir de sa chambre en belles charentaises pour faire l’école buissonnière et retrouver son âme d’enfant, l’insouciance.

Cette folle cavale reste tout de même ardue pour un centenaire, mais autant s’offrir ce qu’il y a de mieux,

s’affranchir de quelques conventions,

par exemple, voler cette valise à roulettes que ce jeune voyou lui demande de veiller quelques minutes à la gare, prendre le car en allant le plus loin possible avant de découvrir que ce bagage est fourré de billets à n’en plus compter tous comme les ennuis à venir et

éliminer

les obstacles qui se dressent sur le chemin.

Nous suivons donc Allan au cours de cette cavale complètement déjantée, ubuesque et drôle car inattendue.

Derrière ce vieux, se cache une personnalité bien trempée, que l’on découvre au fil des chapitres qui retracent sa longue vie,

et notamment son talent indéniable pour les explosifs :

« Et à quoi puis-je être utile, je vous prie ? répondit Allan. Il n’y a que deux choses que je sache faire mieux que la plupart des gens. L’une d’elles est de distiller de l’eau-de-vie avec du lait de chèvre et l’autre est de fabriquer une bombe atomique.
— C’est exactement ce qui nous intéresse, dit l’homme.
— Le lait de chèvre ?
— Non, dit l’homme. Pas le lait de chèvre.

et son rôle politique, les dirigeants croisés

« Dis-moi Allan … fit remarquer Mao Tsé-toung.
Ton ami, là… ça n’a pas l’air d’être Einstein!
– Ne dites pas ça, répondit Allan. Ne dites pas ça., « 

les conflits armés et événements marquants.

« C’est ainsi que l’agent américain Allan, tout hermétique à la politique qu’il fût, en collaboration avec le physicien nucléaire apolitique Iouli, fut à l’origine de l’anéantissement de l’Union soviétique. »

Cette aventure m’a rappelé L’extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire ikéa de Romain Puertolas, elle est tout aussi rythmée, inédite, somme toute ce à quoi on ne pourrait penser à première vue si l’on restait fixé sur le cliché du vieux/sénior.

Méfiez-vous des vieux, ils ne sont pas toujours si innocents. Ils ont de l’expérience.

« Allan interrompit les deux frères en leur disant que s’il y avait une chose qu’il avait apprise en parcourant le monde, c’était que les plus insolubles conflits de la planète avait démarré de cette façon : « T’es bête ! – Non, c’est toi qui es bête ! – Non, c’est toi ! » La solution était bien souvent de partager une bouteille d’une contenance minimale de soixante-quinze centilitres, puis de regarder vers l’avenir.
– Alors tu penses que soixante-quinze centilitres d’alcool pourrait résoudre le conflit entre Israël et la Palestine ? lui demande Bosse. L’histoire remonte quand même jusqu’à l’époque de la Bible !
– Pour ce conflit-là, il faudrait peut-être augmente
r la dose, mais le principe reste le même. »

Ce roman suédois est tout ce qu’il y a de plus rafraichissant, détonnant, il ressemble à un rêve que l’on fait, parfois sans queue ni tête, farfelu à souhait sur..454 page tout de même ! Bel exploit de longévité…

M.G

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