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Lectures indélébiles Ecritures vagabondes

Journal de bord des lectures, critiques et moments d'écritures

Date

26 mai 2018

On la trouvait plutôt jolie, Michel Bussi.

 

 C’était plutôt chouette!

 C’était plutôt chouette!

On la trouvait plutôt jolie par Bussi

« – Qu’est-ce qui ne va pas, Leyli ? Vous êtes jolie. Vous avez trois jolis enfants. Bamby, Alpha, Tidiane. Vous vous en êtes bien sortie.
– Ce sont les apparences, tout ça. Du vent. Il nous manque l‘essentiel. Je suis une mauvaise mère. Mes trois enfants sont condamnés. Mon seul espoir est que l’un d’eux, l’un d’eux peut-être, échappe au sortilège.

Elle ferma les yeux. Il demanda encore :
– Qui l’a lancé, ce sortilège ?
– Vous. Moi. La terre entière. Personne n’est innocent dans cette affaire. »

462 pages et deux jours pour le dévorer,

réminiscences de contes, du chasseur et de la proie,

Bussi a l’art et la manière d’entraîner et de bousculer son lecteur,

 

un joli rythme haletant et un dépaysement garanti dans l’univers impitoyable des migrants

« Mais je ne rentre pas dans les cases, Ruben. Célibataire. Salaire de misère. Les offices HLM me proposent des studios, des F1 au mieux. Vous comprenez, madame Maal, on réserve les F2, les F3, les F4 aux familles. C’est aussi stupide que cela, Ruben. Sans enfants, je ne peux pas prétendre à un logement plus grand. Et sans logement plus grand, je ne peux pas faire venir mes enfants. (Elle laissa à nouveau échapper un petit rire désabusé.) Le type qui a inventé ça, c’est un génie. »et de leur lourd périple, sans tomber dans le pathos

« Attention, je te parle des migrants, là, pas des réfugiés.

— C’est quoi la différence, patron ?

Petar observa son adjoint, amusé. Julo devinait qu’il en avait souvent discuté à la terrasse des cafés et que son argumentaire était bien rodé.

— Rien de plus simple, gamin ! Les réfugiés sont les gentils, ils fuient la guerre dans leur pays, on doit avoir pitié d’eux, on a le devoir moral de les accueillir, la France est une terre d’asile ! Les migrants, eux, ce sont les méchants, ils veulent nous envahir, ils sont seulement pauvres, mais des pauvres, on en a déjà assez chez nous.

Pas évident, une gageuse pour Bussi qui choisi cet univers, et c’est plutôt, plutôt réussi il faut bien le dire,

« On accueille les réfugiés politiques et on vire les migrants économiques. Et ne viens pas me demander pourquoi on a le devoir d’accueillir un gars qui crève de peur chez lui et pas un gars qui crève de faim. »

restant dans la veine du polar,

des homicides sordides,

des secrets,

dont on rassemble progressivement les pièces de puzzle à mesure que Leyli se livre.

M.G

La liseuse, Paul Fournel.

L’on pourrait croire que c’est l’histoire d’une fille qui lit..inlassablement,

si l’on se fiait uniquement au titre..et l’on s’y tromperait !

Et c’était assez drôle, j’y pensais quand je constatais que j’étais prise en photographie samedi dernier, plongée dans le lecture de la liseuse, une sorte de mise en abyme .

Puisque la liseuse perd de son humanité,

qu’elle s’empare de la querelle,

qu’elle indispose,

qu’elle préfigure la mort de l’imprimé, de l’objet livre auprès de Robert Dubois, éditeur qui rechigne à s’en saisir tant elle lui semble incongrue, cette « vulgaire » tablette électronique, 

« Il la regarde, il la soupèse, l’allume et sa vie bascule.Pour la première fois depuis Gutenberg, le texte et le papier se séparent et c’est comme si son coeur se fendait en deux. »

p.13/ 14 :  la rencontre de l’objet

« – Comme un bouquin ?

-Oui, c’est le côté ringard du truc.Une concession pour les vieux. Quand on se souviendra plus des livres, on se demandera bien pourquoi on avance comme ça.Autant défiler vertical. Scroller. Ce serait plus logique.

-C’est Kérouac qui va être content. »

Du noir mat, du noir glauque (au choix), du lisse, du doux, du vitré, du pas lourd.Je soupèse.

Je la pose sur le bureau et je couche ma joue dessus.Elle est froide, elle ne macule pas.Rien ne laisse à penser qu’elle a tous les livres dans le ventre.Elle est juste malcommode : trop petite, elle flotte dans ma serviette, trop grande, elle ne se glisse pas dans ma poche.

En fait, elle ressemble à Meunier, Le grand patron, elle est inadaptée. »

J’ai bien ri à ce passage  » -730 grammes sans la couenne, mon vieux Robert! (…) 

« 730 grammes.Hugo+Voltaire+Proust+Céline+Roubaud, 730 grammes.Je vous rajoute Rabelais? 730 grammes.Louise Labé? 730 grammes » P.223″ 

Mais puisqu’il faut vient vivre avec son temps pour ne passer pour un vieux con, pour être « in » et suivre le tempo, Dubois s’y fait.

Un très beau passage sur l’artichaut, inattendu,

certes, mais étonnante description p.30…

Mais la plus belle surprise apparaît dans la postface,

qui évoque la contrainte oulipienne qu’adopte Fournel pour ce texte

« qui épouse la forme d’un sextine, forme poétique inventée au XIIème siècle par le troubadour Arnaut Daniel.Il en respecte le nombre de strophes et la rotation des mots à la rime.(…) »

Je ne vais tout de même pas tout dévoiler quand même…si ce n’est…. que « l’ensemble constitu(e) un poème de 180000 signe et blancs. »

Un joli tour de force que d’évoquer toute en légèreté la concurrence entre la liseuse, le progrès technique et la résistance du  vieux livre papier dans le monde des éditeurs et du tirage, du cartable, de la pesanteur, car pour Dubois, « Bien bourré le vendredi soir, il avait le juste poids du travail.Celui qui fait que mon épaule gauche est un peu plus basse que la droite. Déformation professionnelle. Quasimodo. »p.15.

 

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